J.O. Numéro 78 du 1er Avril 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 05048

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Décret no 2000-286 du 30 mars 2000 relatif à la sécurité du réseau ferré national


NOR : EQUX0000059D


Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre,
Vu la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée d'orientation des transports intérieurs, notamment son article 9 ;
Vu la loi no 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire ;
Vu le décret no 730 du 22 mars 1942 modifié sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local ;
Vu le décret no 83-817 du 13 septembre 1983 portant approbation du cahier des charges de la Société nationale des chemins de fer français, ensemble le décret no 99-11 du 7 janvier 1999 portant approbation de modifications du cahier des charges de la Société nationale des chemins de fer français ;
Vu le décret no 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles ;
Vu le décret no 97-444 du 5 mai 1997 modifié relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France ;
Vu le décret no 98-1190 du 23 décembre 1998 relatif à l'utilisation pour certains transports internationaux de l'infrastructure du réseau ferré national et portant transposition des directives du Conseil des Communautés européennes 91-440 du 29 juillet 1991, 95-18 et 95-19 du 19 juin 1995 ;
Le Conseil d'Etat (section des travaux publics) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :

Art. 1er. - Sont soumis au présent décret d'une part Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fer français chargée pour le compte de Réseau ferré de France de la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau et, le cas échéant, d'un mandat de maîtrise d'ouvrage, d'autre part les entreprises ferroviaires à l'exception de celles mentionnées aux articles 1er et 2 du décret du 23 décembre 1998 susvisé.
TITRE Ier
DE LA REALISATION DE SYSTEMES S'INCORPORANT
AU RESEAU FERRE NATIONAL OU DESTINES A L'UTILISER
Chapitre Ier
Dispositions générales

Art. 2. - Les dispositions du présent titre s'appliquent à la définition, la conception, la réalisation et la modification de tout système, constitué par des infrastructures, des installations techniques et de sécurité, des matériels roulants qui s'incorpore au réseau ferré national ou est destiné à l'utiliser.

Art. 3. - La modification d'un système existant ainsi que la conception et la réalisation d'un nouveau système sont effectuées de telle sorte que le niveau global de sécurité en résultant soit au moins équivalent au niveau de sécurité existant ou à celui de systèmes existants assurant des services ou fonctions comparables.

Art. 4. - La modification d'un système existant ainsi que la conception et la réalisation d'un nouveau système s'effectuent conformément aux règles, normes et prescriptions relatives, notamment, à la sûreté de fonctionnement, à la qualité, à l'accessibilité. Elles respectent en outre les recommandations ou règles de l'art représentatives de l'expérience acquise par la Société nationale des chemins de fer français, qui seront approuvées et publiées par le ministre chargé des transports.

Art. 5. - L'évaluation de la conception et de la réalisation d'un nouveau système ou de la modification d'un système existant ainsi que la vérification de ses capacités au regard de l'objectif de sécurité, et du maintien dans le temps de ces capacités, sont assurées par un organisme ou service technique indépendant des concepteurs et constructeurs, choisi par le promoteur et agréé par le ministre chargé des transports après avis de Réseau ferré de France et de la Société nationale des chemins de fer français, chargée pour le compte de Réseau ferré de France du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité du réseau ferré national. Cet organisme ou service technique vérifie notamment que la conception et la réalisation sont effectuées conformément aux règlements en vigueur et aux règles de l'art.
Chapitre II
Du dossier de définition

Art. 6. - Toute définition d'un nouveau système donne lieu à l'élaboration par son promoteur d'un dossier de définition qui présente les principales caractéristiques techniques et fonctionnelles du projet ainsi que les éléments concourant au respect des objectifs de sécurité.
Si le projet est élaboré par Réseau ferré de France ou pour son compte, ce dossier est communiqué pour information au ministre chargé des transports par Réseau ferré de France. Il est accompagné de l'avis technique de la Société nationale des chemins de fer français, chargée pour le compte de Réseau ferré de France du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité du réseau ferré national.
Dans le cas contraire, le dossier de définition est adressé à Réseau ferré de France qui le communique, avec son avis, au ministre chargé des transports dans les conditions fixées à l'alinéa précédent.
Le ministre chargé des transports fait connaître à Réseau ferré de France les remarques éventuelles que ce dossier appelle de sa part du point de vue de la sécurité.
Un arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité civile et du ministre chargé des transports précise le contenu du dossier de définition.
Chapitre III
Du dossier préliminaire de sécurité

Art. 7. - La réalisation d'un nouveau système ne peut commencer qu'après que le ministre chargé des transports, sans préjudice des autorisations éventuellement nécessaires au titre d'autres réglementations, a approuvé un dossier préliminaire de sécurité.
Ce dossier prend en compte les données techniques et fonctionnelles ainsi que les objectifs de sécurité énoncés au dossier de définition. Il précise les caractéristiques du projet au regard de l'objectif de sécurité et des règles mentionnées à l'article 4, ainsi que les principes, notamment de maintenance, envisagés pour garantir le respect de cet objectif pendant l'exploitation du système. Il indique le nom de l'organisme ou service technique chargé par le promoteur d'accomplir les missions énumérées à l'article 5, et les modalités de contrôle prévues.
Un arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité civile et du ministre chargé des transports précise le contenu du dossier préliminaire de sécurité.

Art. 8. - La Société nationale des chemins de fer français, chargée pour le compte de Réseau ferré de France du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité du réseau ferré national, établit le dossier préliminaire de sécurité et le transmet à Réseau ferré de France. Ce dernier le soumet, avec son avis, au ministre chargé des transports.
Le ministre chargé des transports peut demander qu'il soit procédé à des études complémentaires en vue d'établir que le niveau de sécurité requis sera atteint.
Le ministre chargé des transports peut n'approuver le dossier préliminaire de sécurité que sous réserve de prescriptions complémentaires énoncées dans l'acte d'approbation.

Art. 9. - Lorsque la complexité du projet le justifie, le dossier préliminaire de sécurité peut être présenté en plusieurs tranches. La réalisation d'une tranche ne peut commencer que lorsque la partie correspondante du dossier préliminaire de sécurité a été approuvée.
Chapitre IV
De la mise en exploitation et du dossier de sécurité

Art. 10. - Réseau ferré de France transmet au ministre chargé des transports, avec le rapport technique de la Société nationale des chemins de fer français, chargée pour le compte de Réseau ferré de France du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité du réseau ferré national, le programme général, les principes directeurs et les procédures afférentes aux tests et essais du projet.
Le ministre chargé des transports peut demander qu'il soit procédé à des expertises, tests ou essais complémentaires.

Art. 11. - A l'issue des travaux de réalisation du projet, la Société nationale des chemins de fer français, chargée pour le compte de Réseau ferré de France du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques du réseau ferré national, atteste sa conformité aux engagements pris dans le dossier préliminaire de sécurité mentionné à l'article 7 ou aux prescriptions énoncées dans l'acte d'approbation de ce dossier.
L'organisme ou service technique indépendant mentionné à l'article 5 vérifie, au besoin par des visites sur place, la conformité de la réalisation au dossier préliminaire de sécurité, et en atteste.

Art. 12. - La mise en exploitation d'un nouveau système est subordonnée à la délivrance au promoteur, par le ministre chargé des transports, d'une autorisation, au vu d'un dossier de sécurité et après approbation, le cas échéant, des compléments ou modifications au règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national que le projet rendrait nécessaires.
Si les caractéristiques du projet le nécessitent, le ministre chargé des transports peut délivrer une autorisation provisoire de mise en exploitation, assortie, en tant que de besoin, de conditions particulières de fonctionnement et de sécurité.

Art. 13. - La Société nationale des chemins de fer français chargée pour le compte de Réseau ferré de France de la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national et du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau établit le dossier de sécurité et le transmet à Réseau ferré de France, qui le soumet avec son avis au ministre chargé des transports.
Le dossier de sécurité est accompagné des documents prévus à l'article 11 et précise en outre les principes de maintenance et les autres dispositions prises pour que, pendant toute la durée de l'exploitation, soient conservés les niveaux de sécurité des infrastructures, des installations techniques et de sécurité et des matériels roulants, ainsi que les modalités de la formation adaptée aux missions de sécurité que recevront les personnels.
Le ministre chargé des transports peut demander que soient apportés des compléments au dossier de sécurité.
Le dossier de sécurité est tenu à jour pendant toute la durée de l'exploitation du système considéré.

Art. 14. - Un arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité civile et du ministre chargé des transports précise le contenu du dossier de sécurité.
TITRE II
DE L'EXPLOITATION
Chapitre Ier
Du règlement de sécurité de l'exploitation
du réseau ferré national

Art. 15. - Le gestionnaire d'infrastructures et les entreprises ferroviaires utilisant le réseau ferré national doivent respecter le règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national.

Art. 16. - Le ministre chargé des transports arrête, sur le rapport technique de la Société nationale des chemins de fer français chargée pour le compte de Réseau ferré de France de la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national et du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau, et après consultation de Réseau ferré de France et avis du ministre chargé de la sécurité civile, le règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national.
Ce règlement contient les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des usagers, des personnels et des tiers, compte tenu des spécificités du réseau ferré national.

Art. 17. - Le règlement général de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français en application à la date d'entrée en vigueur du présent décret constitue le règlement de sécurité de l'exploitation mentionné à l'article précédent. Il fait l'objet d'une publication par le ministre chargé des transports.

Art. 18. - Les modifications du règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national interviennent soit, après avis de Réseau ferré de France, sur proposition de la Société nationale des chemins de fer français, agissant dans le cadre de la mission rappelée à l'article 16, soit à l'initiative du ministre chargé des transports, selon la procédure définie au même article . Elles respectent les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France.
Ces modifications sont arrêtées par le ministre chargé des transports, après avis du ministre chargé de la sécurité civile dans le cas où elles touchent à la sécurité civile.
Les modifications proposées par la Société nationale des chemins de fer français sont réputées approuvées si, dans le délai de deux mois suivant la réception du dossier, le ministre chargé des transports ou, le cas échéant, le ministre chargé de la sécurité civile ne s'y est pas opposé.
Chapitre II
Dispositions relatives à l'exploitation,
à la maintenance et au contrôle

Art. 19. - L'exploitation et la maintenance des infrastructures, des installations techniques et de sécurité et des matériels roulants sont conçues et mises en oeuvre de manière à permettre le maintien de leur niveau de sécurité pendant toute la durée de leur exploitation.

Art. 20. - Les consignes et instructions opérationnelles nécessaires à la bonne exécution des tâches de sécurité sont établies dans le respect du dossier de sécurité et des dispositions du règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national. Elles tiennent compte de la spécificité des tâches et des personnels qui les assurent.
Les principes de maintenance contenus dans le dossier de sécurité sont formalisés par des règles de maintenance.

Art. 21. - Le personnel doit remplir les conditions d'aptitude physique et professionnelle arrêtées par le ministre chargé des transports et reçoit une formation adaptée aux missions de sécurité qui lui sont confiées ainsi qu'aux techniques et aux matériels utilisés.
Un arrêté du ministre chargé des transports définit le contenu des actions de formation mentionnées à l'alinéa précédent.
Le personnel affecté à une tâche de sécurité reçoit de l'exploitant une habilitation selon des principes fixés par le règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national. Nul ne peut être affecté à une tâche de sécurité pour laquelle il n'est pas habilité.

Art. 22. - Un dispositif permanent de surveillance et d'évaluation du niveau de sécurité qui comprend notamment la constitution et la mise à jour d'un recueil des principaux événements liés à la sécurité est mis en place par l'exploitant. En fonction des résultats et enseignements qui en découlent, la Société nationale des chemins de fer français chargée pour le compte de Réseau ferré de France de la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national et du fonctionnement et de l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau demande à l'exploitant de se conformer aux règles applicables relatives à la sauvegarde de la sécurité.
L'exploitant met en place une organisation permettant d'assurer efficacement les missions de contrôle, d'inspections de sécurité et d'évaluation du fonctionnement. Le ministre chargé des transports peut faire procéder à des expertises destinées à vérifier la portée de cette organisation et son fonctionnement effectif.

Art. 23. - Les entreprises ferroviaires mentionnées à l'article 15 fournissent à la Société nationale des chemins de fer français chargée de la mission générale rappelée à l'article 22 tous éléments tendant à établir qu'elles mettent en oeuvre les mesures appropriées pour satisfaire aux obligations résultant des dispositions des articles 15 et 19 à 22 du présent décret.

Art. 24. - Les entreprises ferroviaires mentionnées à l'article 15 informent sur-le-champ la Société nationale des chemins de fer français chargée de la mission générale rappelée à l'article 22 de tout accident ou incident survenu à l'occasion de l'utilisation du réseau ferré national.
En cas d'incident grave ou d'accident, la Société nationale des chemins de fer français prend les mesures immédiates nécessaires pour assurer la sécurité des usagers, des équipes de secours, des personnels, des tiers, des circulations ferroviaires et de l'environnement et en informe sur-le-champ les préfets territorialement compétents et, le cas échéant, l'autorité judiciaire.
Elle informe également le ministre chargé des transports et Réseau ferré de France et leur adresse dans les meilleurs délais un rapport circonstancié. Elle fournit au ministre toute information complémentaire que le ministre juge nécessaire à la constitution de son propre fichier des incidents.
Elle prend les mesures nécessaires pour que la reprise de l'exploitation s'effectue dans de bonnes conditions de sécurité. Ces mesures sont prises en concertation avec les autorités chargées des opérations de secours ou des enquêtes judiciaires ou administratives.

Art. 25. - Réseau ferré de France fournit annuellement au ministre chargé des transports un rapport sur sa politique d'aménagement et de gestion du réseau ferré national et sur les résultats attendus en matière de sécurité. Ce rapport est communiqué à la Société nationale des chemins de fer français.
La Société nationale des chemins de fer français agissant dans le cadre de la mission générale rappelée à l'article 22 fournit annuellement au ministre chargé des transports un rapport sur la sécurité de l'exploitation du réseau ferré national. Ce rapport est communiqué à Réseau ferré de France.

Art. 26. - Saisi par un rapport technique de la Société nationale des chemins de fer français agissant dans le cadre de la mission générale rappelée à l'article 22, accompagné d'un avis de Réseau ferré de France concernant un manquement grave ou répété dans l'application des dispositions du règlement de sécurité de l'exploitation du réseau ferré national ou des règles de sécurité et de maintenance mentionnées dans le dossier de sécurité, le ministre chargé des transports peut, après mise en demeure adressée à l'exploitant et respect d'une procédure contradictoire, suspendre en tout ou partie l'autorisation mentionnée à l'article 12 jusqu'à ce que les mesures nécessaires pour remédier à ce manquement aient été mises en oeuvre. Il peut également, selon la même procédure, retirer partiellement ou totalement ladite autorisation.
En cas de risque grave ou imminent pour la sécurité, la Société nationale des chemins de fer français agissant dans le cadre de la mission générale rappelée à l'article 22 peut décider d'immobiliser un convoi à titre conservatoire. Elle en informe immédiatement Réseau ferré de France et le ministre chargé des transports qui peut alors prononcer la suspension de l'autorisation mentionnée à l'article 12 pour une période maximale de trois mois et engager la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
Les décisions de suspension ou de retrait prises par le ministre chargé des transports sont portées à la connaissance de Réseau ferré de France.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Art. 27. - Le premier alinéa de l'article 1er du décret du 22 mars 1942 susvisé est complété par la phrase suivante :
« Les dispositions des titres III, IV et V du présent décret, ainsi que celles de ses articles 10, 12, 14 à 16, 66, 69 à 72, 81, 82, 84, 87 et 89, ne sont pas applicables aux voies ferrées du réseau ferré national. »

Art. 28. - Le Premier ministre, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'équipement, des transports et du logement sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 30 mars 2000.


Jacques Chirac
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Lionel Jospin
Le ministre de l'équipement,
des transports et du logement,
Jean-Claude Gayssot
Le ministre de l'intérieur,
Jean-Pierre Chevènement